jeudi 12 décembre 2013

Victoire Gobin Daudé - Les Reliques



Que me reste-t-il de Victoire Gaubin Daudé
De mes errances dans les parfumeries, je garde quasiment tout. Et tout ce qui provient de la marque disparue est chez moi presque dans un reliquaire.
Mes deux flacons sont là .. dans leur boite. Protégés de la lumière, des différences de température et de l’humidité comme tous mes parfums, j’espère les garder.
Mes échantillons ne sont pas loin … ainsi que quelques cartes, quelques bouts de cartons oranges.
Voilà … c’est tout …



Je regarde cela comme certain regarderait un vieux disque vinyle ou une veille VHS ayant
Les flacons et ces flagrances que je connais par cœur sont là .. en 10 ans je suis heureux de ne quasiment pas les avoir entamer.
Tout les 6 mois je suis pris d’une crise … « et si ils avaient viré » … alors un petit pshittt dans le bouchon ou sur la peau … et là je reçois de nouveau le « booooouuummmm »
Tout est là en place.

Ma seule erreur et de ne pas avoir acheté les cinq. Pourquoi … parce que je n’ai pas eu confiance en mes gouts. Parce que j’ai lu, trop lu et trop fait confiance à l’avis généralisé …
En 2003 si vous disiez que vous préfériez un Gobin Daudé à un Guerlain, à un Lutens, à un Goutal ou à un Dyptique … on vous prenez pour un débutant … pour quelqu’un qui n’y connait rien. Et j’ai lu et écouté tout cela.

L’erreur est de défendre des gouts sur des blogs ou des forums parce que l’important c’est de les accepter. L’odorat est le sens le plus primaire, le plus ancien de notre organisme. Il y a rarement de raison, il y a rarement de « seconde impression ».
Les tentatives de rationaliser l’odorat sont des chimères


Victoire Gobin Daudé [2002 - 2006] - Comme des étoiles filantes


Entre 2002 et 2006, les parfums Gaubin Daudé auront été des étoiles filantes dans le paysage et l’histoire de la parfumerie.

Qu’une entreprise n’arrive pas à tenir 4 ans … c’est classique, cela n’a rien d’exceptionnel. Les banques si souriantes commencent à sortir leurs crocs pour récupérer l’argent donné.
Par contre qu’une société ayant laissé tant de rêves s’effondre n’a pas lassé de surprendre. Mais il faut voir que ces parfums ont 3 ans d’avance et surtout un plan de distribution complètement incompréhensible.  
Trop tôt car les sites et les boutiques de distribution de parfum « rare » ne sont pas encore présents. Une niche ne pouvait s’en sortir que grâce au bouche à oreille (c’est une ancienne expression pour dire Buzzzz) ou au moins un « lieu » stable de vente.
Hors Victoire Gaubin Daudé n’avait

  • Pas de site internet lié à la marque
  • Pas de capacité d’acheter en ligne
  • Pas de boutique propre



Quasiment rédhibitoire … Cela veut dire une marque complètement dépendante des points de ventes. Et rien que sur Paris, les places vont devenir très chères, trop chères certainement
La décision en 2003/2004 des Galerie Lafayette de complètement réduire l’atelier du parfum stoppe la vente dans ce point.
Chez son frère ennemi (Printemps) les marques niches sont hyper présentes et la partie Victoire Gaubin Daudé aura été réduite réellement à la portion congrue. Pas de « corner », juste le droit à une étagère du bas pour les stockés. Je pourrais la placer dans le magasin actuel et je pense qu’il n’y avait pas un plus mauvais endroit. Et surtout aucun testeurs ... aucun échantillons.
La Samaritaine aurait pu être le bon spot … si le magasin en entier n’avait pas fermé scandaleusement en 2005.
Je ne sais pas si la marque était présente au Bon Marché …
Coté USA, les blogger américains indiqueront que la marque avait très mal choisit son partenaire. Je leur fait confiance.
Reste donc la blogosphére de l’époque qui est quasiment sans pouvoir s’il n’y a aucune capacité de vente en ligne ou par correspondance. Mais surtout la marque qui n’a jamais fait une seule communication est très comparés à la gamme Lutens.
Comparer la ligne Victoire Gobin Daudé à la ligne Lutens des débuts est très maladroit, Lutens a la puissance de feu de Shiseido (avec une des plus belles boutiques de Paris) une liberté totale et un acompte illimité.
La gamme est connue mais est largement snobée dans 
Il faut attendre 2005 … pour voir quelques posts se pointer sur une blogosphére francophone de parfum naissante.
Même son de cloche aux USA, si sur MakupAlley, il traine quelques discussions, il faut attendre 2005 pour que LE blog Now Smell This (premier vrai blog semi pro) en parle
On découvre qu’en fin 2005 … certains flacons étaient soldés à 20 dollars … ce qui signifie une demande urgente de cash. Il est trop tard ... 
Seul un message de Luca Turin, qui dans ce début des années 2000 était la référence dans le monde ultra subjectif de la critique de parfum, aurait pu dramatiquement inverser la tendance.  
Mais Turin à cette époque travaille pour une jeune pousse de la parfumerie et refuse toute communication. Il reprendra son chemin de critique avec le très controversé « Parfume : The Guide » en 2008 … les Gobin Daudé ayant alors disparu …
Je n’ai pas lu tout internet mais je n’ai jamais vu d’avis de Turin sur le travail Victoire Gaubin Daudé. Sachant que celle-ci ne désirait travailler qu’avec des matières naturelles, je me serais attendu à un découpage à la hache …
Après la disparition … les parfums deviennent recherchés puis cultes ... quelques exemples glanés 

Il y a plus de 10 ans ... ma rencontre avec l'univers de Victoire Gobin Daudé



Nous sommes en Octobre 2002 … cela me parait loin maintenant plus de 10 ans …





Paris, Galeries Lafayette, stand « atelier de parfums », quatre tables étaient réservés en parallèle dans un petit coin aux parfums rares. A cette époque les galeries avaient décidé de mettre en avant le phénomène de niche en leur offrant un espace.
J’avais à l’époque l’habitude de passer 1 ou 2 heures par semaine dans les « lieux » dédiés à la parfumerie, et là 5 flacons me font de l’œil … je ne les avais jamais vu auparavant.
Cinq flacons rectangulaires « trop à la Lutens » diront certains de 50 ml … le prix aussi est à la Lutens 69 Euros.
Aujourd’hui cela parait un prix normal pour un parfum de niche, ce prix serait même considéré comme bon marché. Mais en 2003 en pleine "Lutens Mania" (d’ailleurs en sommes nous sorti ?), cela faisait cher.
Aujourd’hui Cartier balance les 75 ml de Mathilde Laurent à 235 Eu, Armani Privé ses 50 ml a plus de 200 Eu, personne n’hurle, au contraire on crie au génie … les temps ont changés.
Mais revenons en cet automne 2002. Je prends les flacons … je fais un petit pshitttt … et la « Boouuuummmm » … la symphonie fantastique de Berlioz. La qualité de matière est tout de suite identifiable. Je commence à vouloir prendre des « mouillettes » pour garder avec moi cet instant et là arrive ce que je déteste … un vendeur se pointe.
Autant vous dire que 80% du temps j’ai horreur qu’on me gonfle quand je fais des tests de parfum. La plupart des vendeuses sont des minettes engagées au physique, répétant ce qu’elles ont appris durant les 20 minutes de formation interne et mettent en avant les parfums en « sur stock » du moment. Mais là en quelques phrases, je comprends que j’ai à faire à un passionné.
Financièrement à cette époque j’étais très limite. J’étais mal à l’aise, je ne voulais pas lui faire perdre du temps, je savais que je ne pouvais pas en acheter un … au fait comment ca s’appelait … Victoire Gobin Daudé .. Rien que le nom de la créatrice était un poème. Je fais des pieds et des mains pour récupérer un échantillon … mais c’est  impossible, il m’explique très professionnellement que financièrement il ne peut pas. Sur le coup cela m’avait énervé.
En rentrant chez moi, je teste quelques forums féminins, nous sommes encore très loin de la blogosphére actuelle. Les francophones parlent de parfum sur Amabilia ou sur Au Féminin … on s’étripe déjà sur les fragrances. Les parfums Victoire Gobin Daudé sont « quasi absents » des discussions.
Et puis là … ca me travaille … comme une mécanique implacable dans ma tête … il me faut un de ces parfums, il me faut un de ces parfums, il me faut un de ces parfums … La semaine suivante, la même scène se reproduit mais cette fois j’achète un flacon … je discute, je récupère un jeu complet d’échantillons.
Deux ans plus tard je rachetais un autre flacon dans un stand à la Samaritaine … j’avais l’impression que la marque avait fait son trou, que les stands s’étaient multipliés, la vendeuse me disait que deux nouvelles fragrances allaient venir.
Je me trompais lourdement.  J’aurais du me douter, plus rien aux Galeries et au Printemps le stock était relayé dans un sous coin … entre parenthèse entre la porte et un radiateur … le plus mauvais coin pour stocker des parfums.
Et puis nous voilà en 2006, j’apprends par le net la disparition de la marque et sa liquidation … et en quelques semaines la blogosphère repend la nouvelle.
Certains parleront des derniers flacons vendus à plus de 150, 200 dollars sur EBay. La marque disparue trouve des aficionados … les années suivantes les 5 parfums sont devenus cultes, les nouveautés sont quelque fois comparés avec ces parfums introuvables.
Mais le temps passant et je suppose le nombre de flacons se terminant … les parfums Victoire Gobin Daudé disparaissent des sites de références et entre maintenant dans l’oubli.